HISTOIRE DE MOTS
Il aimait séduire avec des mots.
Toute sa vie était faite de mots. Tout son être était fait de mots. Mots de chaleur, mots de sueur, mots de froid, mots-frissons. Il n'aimait d'ailleurs que les mots, il n'avait jamais aimé que les mots. Quand il disait je t'aime, c'était pour le plaisir des mots. Il savait dire je t'aime de tant de façons, des chapelets de je t'aime dans un océan de mots.
Il ne savait rien faire, rien faire d'autre que des mots.`
Il ne possèdait rien, rien d'autre que des mots.
Des mots, il en avait de toutes sortes, plein la tête, plein la gorge, plein le ventre, plein le sexe, plein le coeur et plein le sang. Les mots étaient ses globules rouges, étaient ses globules blancs. Une moëlle épinière faite de mots, imbriqués, enchevêtrés, soudés les uns aux autres. Jusque dans ses os. Quand parfois (c'était rare), il ne trouvait pas un mot, il avait mal aux articulations.
Il aimait séduire avec des mots.
Des brillants, des frileux, des pauvres petits mots de rien du tout qui vous avaient un air de chagrin et de pitié, des mots-Poulbot; et d'autres mots pleins de couleur, des mots faits de rire, des mots qui roulent les R et vous entraînent dans leurs rocailles, des mots qui vous secouent comme des sanglots, des mots-vrilles, des mots en forme de gants de boxe, sans nuance, qui frappent et vous atteignent au visage. Des mots qui blessent, des mots qui tuent parfois, mais des mots qui bercent, des mots qui ressemblent à de jolis petits coeurs roses avec une drôle de petite flèche piquée dedans. Des mots qui volent, des mots qui pleurent, des mots-tendresse, des mots-détresse, des mots qui vont des mots qui viennent, des mots qui naissent des mots qui meurent. Des mots orphelins, des mots délaissés, des mots oubliés, qu'on retrouve amer, au petit matin.
Il aimait séduire avec des mots.
Des mots intelligents, des mots lourds de sens, des mots pleins d'humour, des mots didactiques, des mots raisonnements, des mots généreux, des mots solidaires, des mots fraternels, des mots qui sentent bon le parfum des mots. Des mots qui étourdissent, des mots-serpentins, des mots-valse-folle, des mots incertains, des mots maladroits, des mots vulnérables, des mots très fragiles et des mots-marteaux, quelques mots-enclumes, ou des mots-oiseaux, et puis des mots-plumes, quelques mots-ciel-bleu, des mots sable-chaud, des mots Côte-d'Azur, des mots-grand-amour et des mots-toujours. Des mots sussurés, des mots murmurés, quelques mots chantants, quelques mots-chansons, des mots qu'on fredonne, des mots comme un souffle, pleins de mots-baisers, des mots salivés, des mots-pleine-bouche, des mots-pleines-lèvres, des mots-jeux-de-langues, des mots étendus, des mots de plaisir, et des mots-soupirs.
Il aimait séduire avec des mots.
Des mots-avenir, des mots-lendemains, des mots pour la vie, des mots qui s'unissent, tes mots et mes mots, mots entrelacés, des mots quotidiens, des mots fabriqués, des mots cuisinés, des mots mijotés, des mots qui s'épuisent, des mots qui s'éteignent, des mots qui se rident, des mots qui se fânent, des mots qui jaunissent, des mots qui palissent, des mots qui s'effritent, qui tombent en poussière, des mots-cimetières, des mots-grand-silence, mots sans importance, mots utilitaires, des mots-habitudes, des mots qu'on échange, des mots qu'on se lance sans se regarder, des mots-bilboquet, des mots que l'on tait, que l'on garde là tout au fond de soi, et des mots-regrets, des mots-repentirs, des mots plein d'angoisse, des mots-rien-à-faire, des mots pleins d'aigreur, des mots qui sont vides, mots qui dégoulinent, des mots-serpillères, des mots sans rien dire. Des mots sans rien dire...
Il aimait séduire avec des mots.
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ANNIVERSAIRE
Il avait un air de quinquagénaire
Crépusculaire
Poitrinaire
Pulmonaire
Angulaire
Convulsionnaire
Globulaire
Urinaire
Atrabilaire
Patibulaire
Réfractaire
Tumultuaire
Solitaire
Militaire
Autoritaire
Incendiaire
Sanguinaire
Tortionnaire
Doctrinaire
Arbitraire
E somme très ordinaire
Primate-primaire
Lantireli-lantirelaire
Un certain air de quinquagénaire
Funéraire…
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50 BERGES
Et si
Pendant dix ans tu t'endormais
Pendant dix ans tu t'endormais
Une immense parenthèse
Et si
Quand tu te réveillerais
On te disait
Maintenant il faut vous reposer
Allons, mon cœur, cesse de rêver!…
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